S'étonner est-ce possible aujourd'hui ?

Chapitre du 13 décembre 2016

          Dimanche dernier nous a fait franchir une étape dans le temps de l’Avent, en nous appelant à la joie car Noël se fait plus proche.

        Le Pape François  rapproche la joie de l’étonnement :
"l’étonnement c’est une porte ouverte sur la joie et bien souvent ils arrivent ensemble."

        Autour du mystère de Noël éclate la joie mais il y a aussi beaucoup d’étonnement dans les évangiles de l’Enfance : le peuple s’étonne que Zacharie s’attarde dans le temple ; tous s’étonnent de ce que racontent les bergers après leur visite à l’Enfant. Marie et Joseph s’étonnent lors de la Présentation de ce qui se disait de lui et les docteurs de la loi au Temple sont stupéfaits de l’intelligence et des réponses du jeune Jésus, sans compter tous les étonnements qui ne sont pas explicités dans l’Évangile, comme celui des mages par exemple !

        L’évangile de dimanche, pour rester dans la liturgie de ces jours, nous a rappelé l’étonnement de Jean Baptiste devant Jésus, cette figure très dérangeante du Messie attendu. Et on peut se poser une première question, un peu dérangeante elle aussi :  est-ce que le mystère de Noël nous étonne encore ? (C’est Noël comme tous les ans, et alors ?).

Est-ce que Jésus nous étonne encore ?

         Et la Règle ne nous éloigne pas tant que ça de notre sujet : y a-t-il quelque chose de plus étonnant (normalement en tout cas !) que l’arrivée d’un postulant ou d’une postulante ? (Nous sommes donc dans les chapitres où arrivent au monastère toutes sortes de gens !). Et si nous sommes entrées au monastère, nous en avons sans doute été les premières étonnées et nous le sommes peut-être encore ! Pour nous mettre en route un jour, il a bien fallu un étonnement quelque part dans notre vie… Sommes-nous toujours étonnées de notre appel ?

Et d’abord l’étonnement qu’est-ce que c’est ?

        Je vous donne quelques définitions « connectées » ou celle du Petit Robert : « commotion violente, ébranlement », émotion causée par un événement ou une réalité qui conduit à se poser des questions du fait de son caractère inhabituel, étrange, difficile à expliquer ».

        L’étonnement, disent certains auteurs, est différent de la surprise qui reste au stade de l’émotion spontanée, instinctive ; l’étonnement, lui, suppose une prise de conscience, c’est un état conscient. Alors, qu’est-ce qui se passe ?
       C’est une brèche dans nos certitudes, notre conscience (étonnement, c’est aussi un terme technique en architecture pour désigner une lézarde dans un mur : c’est très parlant comme symbole), c’est donc une ouverture de tout notre être (et ça s’exprime très physiquement : les yeux écarquillés, la bouche ouverte – à la forme du ‘O’ – les bras ballants…), c’est un arrêt de notre réflexion devant un événement, une parole, une attitude, un spectacle ; quelque chose de nouveau arrive, de bouleversant, de déstabilisant, quelque chose qui n’était ni prévu, ni programmé, ni attendu ; du « pas banal », « pas normal », » pas habituel » (qu’est-ce qui arrive ? je ne m’attendais pas à ça… c’est curieux, c’est bizarre… etc.).

       Mais cet étonnement qui arrête, déstabilise, est la chance, la grâce d’un changement, d’une avancée possible, d’une nouvelle découverte, d’un approfondissement. Il nous garde toujours en chemin, en recherche, en désir. Et finalement c’est l’étonnement qui est à la source de tout progrès. Pour Aristote, par exemple, la philosophie commence avec l’étonnement et je vous cite Indira Gandhi : « le commencement de toutes les sciences c’est l’étonnement de ce que les choses sont ce qu’elles sont ». Et pour notre foi, pour notre vie, tout avance aussi, s’intensifie et se déplace grâce à l’étonnement. Cette fois-ci c’est saint Thomas d’Aquin qui parle : « tout est sauvé si l’on demeure capable d’étonnement ».

       Il faut donc soigner, entretenir notre capacité à nous étonner. Comment ? Quelques pistes :

                          - en restant curieux, attentifs au réel ; en aimant la vie et en en attendant quelque chose.             

                         – en n’étant pas trop sûrs de notre savoir, en acceptant d’apprendre, en reconnaissant que peut-être nous nous sommes trompés : l’humilité fait bon ménage avec l’étonnement et c’est aux petits, aux humbles et d’abord à son Fils que Dieu révèle ses secrets. 

                         - pour être capables d’étonnement il faut aussi être en confiance, ne pas être sur ses gardes, sur la défensive, enfermés dans la peur. Il faut ce point d’appui sûr en nous-mêmes, qui nous fait accepter d’être déstabilisés un moment.

Parce que l’étonnement n’est qu’une première étape vers une nouvelle réflexion, une nouvelle découverte, un nouvel équilibre,
nous grandissons d’un étonnement à un autre.

Et il faudra voir maintenant dans notre vie comment et où peut jouer l’étonnement.
De quoi pouvons-nous nous étonner ?